Derrière chaque personne il y a une histoire
Plusieurs histoires même…
Qui se racontent… ou pas, à ceux qui veulent bien les écouter ou les lire.
Une partie de l’histoire de Jean-Pierre Fauvet se situe un peu partout en France mais principalement dans le Loiret.
De formation ingénieur électronique, ce passionné des chiffres et de programmation élaborera de nombreux programmes industriels et logiciels spécifiques avant de créer sa propre entreprise, qui comprendra jusqu’à 90 salariés.
À 67 ans, l’heure de la retraite arrivée, Jean-Pierre décide d’écrire une autre page de son histoire.
La redécouverte de la pratique du vélo
Et puis de tenter un pari osé, battre un record
Le record du monde de l’heure des plus de 75 ans, rien que ça !
Depuis lors il n’a de cesse de tout mettre en œuvre pour atteindre son objectif
Le 21 juin 2018, vers 11 h 00, il saura s’il a concrétisé son rêve
Il saura s’il a définitivement tourné la page de cette histoire
Cette histoire qu’il nous raconte aujourd’hui…
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Comment je suis devenu cycliste.

Vers 15-16 ans mes parents m’ont offert un vélo demi-course avec lequel je faisais des ballades accompagné des copains de mon âge.
Vers 18-20 ans, vers 1962 donc, j’ai fait deux fois la petite course du 14 juillet à Marcilly en Villette avec un vélo d’emprunt et je l’ai gagnée contre des cyclistes de club
Mon sport, c’était plutôt l’athlétisme. Je courrais assez bien. Et avant la course à vélo, j’avais remporté la course à pied du tour du bourg le 14 juillet de la même année.
Vers 30 ans, donc en 1973, néophyte, j’ai parié avec mon beau-père que je pourrais faire 100 km en quatre heures à vélo.
Le gain du pari : un vélo.
J’ai acheté le meilleur vélo de course que j’ai trouvé.
J’ai mis 3 h 30 pour faire les 100 km et j’étais mort, mais j’avais gagné un très bon vélo.
Ma vie professionnelle ne me permit pas de l’utiliser.vi 05
C’est avec ce vélo étincelant que j’ai commencé le vélo en août 2010 à 67 ans, retraité, après une interruption de 37 ans.
Un ami, très cher du village voisin, s’était fracturé la jambe plusieurs fois et voulait se rééduquer.
Il m’a demandé si je voulais bien l’accompagner.
On ne refuse rien à un ami. J’ai pensé que cela me ferait du bien.
Je n’arrivais pas à le suivre à 15km/heure avec son lourd demi-course.
J’avais arrêté de faire du sport depuis tellement longtemps.
Après 40 km le matin à cette allure, je tremblais de partout et dormais tout l’après-midi affalé sur le fauteuil devant la télé, avec une fréquence cardiaque si forte qu’elle me faisait peur au point de visiter mon cardiologue.
Tout allait bien pourtant.
Mon organisme allait apprendre à stocker le glycogène.
Au bout d’un an, j’avais progressé et je commençais à prendre les relais.
Alors, il s’acheta un vélo de course en carbone et la galère recommença.
Mais je m’améliorais, je suivais, puis je pus prendre les relais… à une moyenne extraordinaire de 25 km/heure.
Par contre, je n’arrivais pas à faire de sortie avec mes collègues cyclistes de Marcilly en Villette là où j’habite, eux roulaient à 28-30.
Cela viendrait plus tard.

vi 04J’ai acheté un bon vélo en 2012 avec cadre carbone et j’ai commencé à rouler régulièrement. Les progrès sont vite arrivés.
Quand mon neveu de Dijon, professeur de gymnastique venait en vacances, on a commencé à rouler ensemble de plus en plus vite.
En septembre 2014, alors que l’on avait fait une sortie de 60 km entre 32 et 33 de moyenne et que l’on devisait ensemble, j’ai eu l’idée de regarder les meilleures performances des « vieux » cyclistes.
Je n’étais pas si loin de ces performances mais encore loin de mes 75 ans pour tenter ce record du monde qui me fascine.
L’idée m’est venue de faire un logiciel permettant de suivre ma progression en sortant deux éléments essentiels que sont la capacité cardiovasculaire et la fraction musculaire utilisée de cette puissance théorique.
Pour cela, pour chaque sortie, je notais les éléments suivants :
Mon poids, ma fréquence cardiaque de repos, ma fréquence cardiaque moyenne de la sortie, le poids du matériel, la longueur de la sortie, le dénivelé, la moyenne réalisée, la température, la pression atmosphérique et la force du vent
Une fois étalonné, je sors maintenant aussi la puissance à rapprocher de la fréquence cardiaque corrigée de la température.
J’améliore régulièrement ce logiciel en fonction de mes propres critiques.
Je note toutes mes sorties pour pouvoir y retourner ultérieurement à des fins d’analyse.
J’ai fait aussi un grand travail pour tester le matériel en équipant mon vélo d’une roue électrique permettant de rouler jusqu’à 60 km/heure sur le vélodrome de Bourges.
J’ai testé également les pneus, les casques, les combinaisons, les chaussures, ma position, les roues, la distance au cadre, le rasage de mon corps et toute amélioration qui me passait par la tête.
J’ai recherché également ma meilleure fréquence naturelle de pédalage par analyse mathématique sur route.
Dès avril 2015, je me suis entraîné sur le vélodrome de Saint Denis de l’Hôtel (je remercie l’entraîneur, Monsieur Lespagneul qui m’a prodigué de précieux conseils).vi 02
Le 15 août 2015, sur le vélodrome de Bourges, j’ai amélioré le record de l’heure des 72 ans, une marque non officielle d’un peu plus de 1 km avec 37,872 km, enregistrés par le chronométreur Joël Varennes qui m’a remis la bande témoin de cette performance.
Je me suis entraîné depuis pour placer une marque le jour de mes 75 ans, le 18 avril 2018.
J’étais malade ce jour-là.
Ce n’était que partie remise pour la tentative fixée le 21 juin 2018 sur le vélodrome de Bourges sur lequel je me prépare.
J’ai ainsi calculé que je ferai 2 à 3 % de trajet en plus à cause d’un équilibre incertain dû à l’âge.
J’ai des difficultés pour suivre la ligne noire du vélodrome au plus près pour respecter la distance à parcourir.
Je m’y entraîne, c’est un vrai challenge pour moi.
La marque à battre, c’est le record de l’américain Jim Turner à 38, 494 km performance établie le 29 juillet 2014.

Le vélodrome
Les épreuves sur route et sur piste sont régies par l’Union Cycliste Internationale
Toute tentative pour battre un record doit être réalisée sur un vélodrome homologué par l’UCI.
C’est le cas du Vélodrome de Bourges.
vi 03De nombreuses règles précises encadrent une telle tentative : le dispositif de démarrage du coureur, le positionnement des boudins dans les virages afin de respecter la distance à parcourir, l’accès à la piste, etc.
L’UCI doit également homologuer le vélo utilisé pendant l’épreuve.
Une documentation illustrée du vélo, avec des photos, doit lui être transmise au moins 15 jours avant la date retenue pour l’épreuve afin de permettre son homologation.
L’UCI délègue le chronométrage et le contrôle anti-dopage à la Fédération Française de Cyclisme.
Tous ces moyens décrits ci-dessus sont loués au compétiteur.
Cela représente un beau budget… mais quand on aime… on ne compte pas !

Mon équipement :
Le vélo SHIV TT que j’ai choisi est développé par Specialized et a connu des utilisateurs renommés.
Evelyn Stevens qui a succédé à Jeannie Longo recordwoman de l’heure avec 48,159 km en tirant 53*14 le 12 février 2016.
Puis Tony Martin champion du monde de CLM le 12 octobre 2016 utilisait ce même vélo.
Plus modestement, j’ai retenu ce vélo équipé de roues lenticulaires « Comète » et de « boyaux Vittoria Graphène » de 19 mm à l’avant et 23 mm à l’arrière. J’emmènerai un braquet de 51*14.
Je porterai une combinaison et des chaussettes Castelli, des gants GribGrab et un casque de CLM Gasco.
Je me ferais épiler soigneusement.
J’ai obtenu un CxS de 0,185 en sélectionnant les meilleurs composants du matériel précité et en travaillant ma position, ce qui me permet d’économiser de la puissance et donc de rouler plus vite.
Je me suis adjoint les services d’un préparateur physique vélo, Alban Lorenzini - son blog : http://www.cyclesetforme.fr/
Il a pour objectif de m’amener au meilleur de ma forme sur une heure le 21 juin 2018.
La base de sa réflexion consiste à travailler dans toutes les plages de puissance entre 60 % et 200 % de ma PMA 1/3 sur piste et 2/3 sur route pour optimiser le travail des différentes fibres au-dessus de 80 % de la PMA.vi 07
Il me fait fractionner mes séances d’entrainement, avec des temps de récupération, afin d’obtenir un temps de travail optimisé dans des zones où je suis normalement incapable de rouler longtemps.
Je bénéficie également de l’expertise de Philippe Com, bien connu des cyclistes locaux, qui me fait faire dans le cadre d’une thèse universitaire qu’il prépare, un travail de renforcement musculaire à poids de corps de gainage (abdo/fessiers/dos/bras) avec des exercices de propriception afin d'améliorer les muscles profonds pour une meilleure stabilité.
Il me faut progresser en vieillissant.
On perd normalement de 1à2 % de puissance chaque année.
C’est donc un sacré challenge pour moi que de regagner quelques %, malgré l’âge qui défile.
Un peu plus de 10 % gagné quand même en trois ans.
Il ne me reste plus qu’à concrétiser tout le travail réalisé, en battant ce record du monde des plus de 75 ans qui accapare entièrement mon esprit et tout mon temps, le 21 juin 2018 sur le Vélodrome de Bourges.
Salutations sportives

Jean-Pierre FAUVET

PS : Jean-Pierre renoncera, la mort dans l'âme, au dernier moment.
La température caniculaire ressentie dans le vélodrome le 20 juin, veille du jour retenu pour sa tentative, l'obligera à renoncer.
Jean-Pierre savait que dans ces conditions, sa tentative préparée de longue date, était vouée à l'échec.